Le racisme, une histoire « trop humaine »




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Le racisme, une histoire « trop humaine ».


 Il est des aspects de la nature humaine qui me donnent envie de vomir. Certes, vous me direz que si nous ne sommes que des êtres instinctifs, comme je le prétends, il n’est pas étonnant que nous nous laissions emporter par des passions perverses. Oui, tout n’est peut-être que passions en nous y compris ce que nous pensons être raisonnable, mais pourquoi faut-il que cela nous mène si souvent vers l’horreur ? Après tout pourquoi faut-il que les pires inclinations l’emportent à ce point sur les meilleures ? Pourquoi le racisme ?
 On reconnaît le raciste à son obsession de la propreté. Son ennemi c’est la racaille, la vermine, les parasites. Il efface du paysage tout ce qui, pour lui, le souille : les clochards, les ivrognes, les marginaux en premier et puis… peut-on savoir par avance jusqu’où le mènera son besoin de nettoyer ? Nettoyer c’est sa façon de mettre de l’ordre. Il procède toujours par élimination. Chez lui un instinct s’est tellement hypertrophié que la moindre présence d’un corps étranger sur son territoire, il la vit comme une atteinte à sa pureté. Tout ce qui n’est pas de chez lui est sale. Le youpin, le bougnoule, le nègre par exemple, c’est plus fort que lui, il ne peut pas les voir. C’est épidermique. Au fond il a peur des étrangers comme d’autres ont peur des araignées ou des serpents. Cette peur a en effet tous les symptômes d’une phobie : la xénophobie. Le racisme en est la forme la plus viscérale et la plus vulgaire.

 Dans l’Antiquité la présence des étrangers ne posait pas de problèmes esthétiques. L’étranger faisait partie du décor. Il y était parfaitement intégré et ne nuisait pas à son harmonie mais au contraire y participait pleinement. Athènes était un bel exemple de cohabitation à l’ancienne. La démocratie n’y concernait qu’une élite minoritaire composée des hommes nés de parents athéniens : les citoyens. Les femmes athéniennes en étaient exclues. Parmi les étrangers les métèques étaient considérés comme libres et pouvaient exercer un métier pour leur propre compte. Les autres étaient les esclaves, soit du tiers à la moitié de la population de la cité selon les estimations des historiens. La société athénienne était foncièrement inégalitaire. A l’époque personne ne s’en offusquait.
 Ou presque car de tout temps certains se sont senti obligés de justifier l’esclavage ! Le sentiment de culpabilité n’a jamais été complètement étouffé par la culture élitiste. Ainsi à l’époque archaïque de la Grèce, l’esclavage était considéré comme une conséquence logique de la guerre. Il était plus noble (et aussi plus utile), d’asservir les vaincus (et d’en rançonner les plus riches) que de les massacrer. A son époque classique l’esclave est surtout une marchandise. Dans sa Politique Aristote consacre un chapitre à l’esclavage  pour s’opposer à l’opinion de certains juristes qui considèrent qu’il est inique car produit par la violence de la loi. Sa thèse peut se résumer par cette citation : « C'est la nature qui, par des vues de conservation, a créé certains êtres pour commander, et d'autres pour obéir ». Le maître est doué de raison, l’esclave, même si on lui reconnaît avoir une âme, à pour première vertu son aptitude à servir et l’esclavage est dans l’intérêt de deux partis qui se complètent. Comme tous les Grecs de l’Antiquité, Aristote considère que le rôle de tout citoyen est, par devoir et non par dégoût des tâches subalternes comme on pourrait le penser aujourd’hui, de se consacrer à la politique, aux arts et à la philosophie et c’est pour préserver ce statut selon lui indispensable au bon fonctionnement de la cité, qu’il juge l’esclavage nécessaire.
 Dans l’Athènes antique l’étranger était un être humain inférieur que l’on utilisait souvent comme esclave, que l’on pouvait mépriser et corriger, mais le maltraiter était condamné et le coupable risquait l’exil ; non pour avoir dégradé un bien mais parce que l’auteur d’un tel acte était indigne de la citoyenneté. Un citoyen devait être au-dessus d’un tel acte. En matière de mœurs comme dans les disciplines plastiques, les élites athéniennes avaient le souci esthétique de la mesure ; c’était là leur noblesse.

 L’histoire de la xénophobie en Occident après l’Antiquité est une irrémédiable progression vers ce que l’humanité a connu de pire. Elle commence dès le Moyen Age et se prolongera jusqu’à ce qui la mènera à l’apogée de son horreur au XXème siècle: le nazisme. Si toutefois il est possible de mesurer l’horreur.
 Dès son origine le christianisme pour s’imposer devait affronter le judaïsme et cela ne pouvait pas se limiter à des chamailleries doctrinales. Saint-Augustin fut celui qui a le mieux défini la stratégie de ce combat pour la suprématie religieuse. Il ne s’agissait pas d’éliminer un adversaire que l’on ne parvenait pas à convertir mais de le rabaisser, de le discriminer. Il fallait d’abord un prétexte ; pour cela Saint-Augustin a repris l’accusation de « déicisme » déjà exprimée par les Pères de l’Église selon laquelle les Juifs étant responsables de la mort du Christ, Dieu les en a puni en les dispersant pour que leur présence rappelle partout et éternellement leur crime. Comme s’il s’agissait de se protéger d’une contagion, l’Eglise interdisait toute relation sociale entre Chrétiens et Juifs et surtout les mariages entre membres des deux communautés. Malgré cela certaines de ses ouailles, peut-être à cause d’un sens immodéré de leur devoir de chrétien, continuèrent à fraterniser avec des Juifs. Après tout la confusion étant possible, pour y remédier le concile de Latran de 1215 décida que les Juifs et les Sarrasins porteraient des vêtements différents de ceux des Chrétiens. En 1269 Saint-Louis imposa aux Juifs le port de la rouelle, insigne en forme de roue, une cousue sur la poitrine et une autre dans le dos. Par ailleurs, le concile de Latran leur interdit de sortir de chez eux pendant la Semaine Sainte, mesure qui fut aussi reprise par Saint-Louis.
 Intolérante du fait de sa prétention à l’universalité, l’Église ne pouvait que procéder à la ségrégation des Juifs, en conséquence pour ne pas être trop en contradiction avec ses principes moraux, elle se faisait aussi un devoir de les protéger en tant que communauté minoritaire. Cependant, elle ne les exposait pas moins à la vindicte populaire. Elle fut plus radicale à l’égard de l’hérésie cathare contre laquelle elle lança la croisade contre les Albigeois, puis l’inquisition pour achever le travail d’éradication.
 Durant le Moyen Âge, période où les nations n’existaient pas encore, il est difficile de savoir qui était étranger. On s’identifiait comme appartenant à une ville ou à une seigneurie mais d’abord, sans doute, comme chrétien. Ainsi les étrangers étaient surtout les non chrétiens et en particulier les Juifs. Si l’antijudaïsme de l’Église eut pour conséquence leur discrimination, la xénophobie populaire provoqua des massacres. Ils commencèrent surtout en 1096, avec la première croisade et se poursuivirent avec les suivantes. Chaque croisade de l’élite chevaleresque fut accompagnée par une croisade populaire officieuse, constituée de meutes fanatiques qui avant d’affronter les Musulmans en Terre Sainte, ne se privèrent pas de trucider les Juifs qu’elles trouvèrent sur leur chemin. Puis vinrent les accusations de meurtres rituels, d’empoisonnement de l’eau ou encore celle d’avoir provoqué l’épidémie de peste en 1348, qui provoquèrent autant de pogroms.
 Contrairement au christianisme qui théoriquement condamnait tout enrichissement, le judaïsme l’encourageait de sorte que les Juifs ont contribué grandement à l’essor économique de l’Occident au début du Moyen Âge. Mais durant le Haut Moyen Âge, ils perdirent le droit d’exercer tout métier public et celui de posséder une terre et durent se cantonner au commerce et aux activités bancaires. Certains d’entre eux pratiquèrent donc le prêt à usure, par ailleurs interdit aux Chrétiens, en servant souvent d’intermédiaires entre les nobles et les pauvres. Cette activité peu lucrative a fourni aux Chrétiens, s’il en était besoin, une raison supplémentaire de les haïr et leur a donné une réputation d’avaricieux qui perdure encore aujourd’hui.
 Les princes, et en particulier les rois de France, ne voyaient dans la présence sur leurs terres d’une communauté juive que le profit qu’ils pouvaient en tirer et selon leurs intérêts toléraient leur présence en contrepartie de lourds impôts ou les en expulsaient pour confisquer leurs biens puis les autorisaient à revenir contre paiements. Ainsi agirent Philippe Auguste, Saint-Louis, Philippe le Bel, Louis X ou encore Charles VI.
 On ne peut pas achever ce tableau noir de l’antisémitisme au Moyen Âge, sans y évoquer l’apparition des ghettos, quartiers réservés aux Juifs dans lesquels ils ont été incités à habiter avant qu’on ne les y oblige au XVIème siècle. C’est à Venise qu’ils furent d’abord instaurés, avant d’être imposés dans les Etats pontificaux. L’Église avait enfin trouvé son moyen de discrimination le plus efficace.
 L’antisémitisme au Moyen Âge, c’était l’expression de l’intolérance religieuse, de la xénophobie populaire et de l’ambition royale.

 L’esclavage avait disparu de l’Europe du Moyen Age. Dans cette communauté essentiellement chrétienne il n’était pas acceptable qu’un chrétien soit propriété d’un autre chrétien d’autant que l’organisation féodale permettait un nouveau mode d’assujettissement qui ne heurtait pas les consciences : le servage.
 La situation n’est plus la même à partir de la Renaissance. Des nations se sont formées et se tournent vers les terres nouvellement découvertes en Amérique, chacune avec la volonté de s’y enrichir et d’affermir ainsi sa puissance. Portugais et Espagnols puis Anglais, Français et Néerlandais se lancèrent à la conquête des colonies d’Amérique. Mais dès le début l’exploitation économique de ces territoires est freinée par le manque de main d’œuvre. Décimés par les maladies apportées par les Européens plus que par les massacres perpétrés par les conquistadors, les Amérindiens ne sont plus assez nombreux pour assurer le travail d’où le recours à la traite négrière.
 La traite négrière se pratiquait en Afrique depuis l’Antiquité et les Musulmans qui eux aussi interdisaient l’esclavage de leur coreligionnaires, profitaient de ce marché d’esclaves au moment où les Européens vinrent à leur tour s’y approvisionner. Certains peuples africains n’étaient pas d’ailleurs seulement pourvoyeurs d’esclaves mais aussi esclavagistes eux-mêmes. Ceci dit seulement pour montrer que le commerce d’êtres humains n’était pas l’exclusivité des Européens.
 Dès leurs premières découvertes l’Église confirma les Portugais dans leur droit de conquérir les nouvelles terres y voyant l’opportunité d’agrandir le monde chrétien. Bien qu’ayant interdit l’esclavage des Amérindiens, elle autorisa l’asservissement des noirs mais, fidèle à sa mission évangéliste, en les convertissant au christianisme elle prétendit aussi sauver leurs âmes. Dans sa version catholique, l’esclavage n’était qu’un mal pour un bien. Ce n’est qu’au XIXème siècle que Grégoire XVI fut le premier pape à le condamner clairement. En fait, affaiblie par la concurrence du protestantisme et de l’anglicanisme et surtout par des monarchies suffisamment puissantes pour se dégager de son autorité, l’église catholique ne put qu’accompagner une politique coloniale sur laquelle elle n’avait plus d’emprise.
 Car ce sont bien les nations qui furent les grandes responsables de cette abomination et surtout leurs monarques. Jusqu’au XVIIème siècle, Espagnols et Portugais initiateurs de la traite négrière en Occident la jouèrent petit bras mais lorsque les Anglais et les Français prirent ce commerce en main pour s’en assurer le monopole, il changea d’échelle. Louis XIV à partir de 1674 fit des Antilles des colonies rattachées au royaume de France et spécialisées dans la production sucrière mais la culture de la canne à sucre nécessitant beaucoup de main d’œuvre il lui fallut développer en conséquence la traite négrière et s’engager dans le commerce triangulaire. En 1685, à sa demande, Colbert rédigea le Code noir afin de contrôler l’esclavage dans ces territoires français. Ce texte comportait une série d’articles qui donnaient un statut juridique à l’esclavage en fixant les droits et les devoirs du maître sur ses esclaves et de ce fait le légalisait dans cette partie du royaume.
 Il serait caricatural de penser que les esclavagistes ou même l’autorité royale qui tirait profit de leurs activités, considéraient que les esclaves noirs n’étaient pas des êtres humains. Ce serait non seulement se tromper sur la nature de l’esclavage mais pire en atténuer l’horreur. Le Code noir nous le prouve. Que les noirs y soient qualifiés de biens meubles n’en fait pas des objets mais décrète que des êtres humains, comme des objets, pouvaient être vendus et achetés de même que ce texte autorise de les punir, de les mutiler, de les condamner à mort tout comme de les affranchir. Que l’on y fasse obligation de les nourrir et de leur fournir des vêtements sous-entend même que certains propriétaires les traitaient moins bien que du bétail. Mais que l’on y réglemente les concubinages entre hommes ou femmes libres et esclaves et plus encore que l’on y oblige ces derniers à se convertir au christianisme nous montre que selon le rédacteur du Code noir les noirs étaient bien des êtres ayant un sexe et une âme. Oui ! Les esclavagistes avaient bien conscience d’asservir des êtres humains. En conséquence, il ne suffisait pas que l’esclavage soit profitable à l’exploitation des colonies d’Amérique pour qu’il y soit possible, il fallait aussi qu’il y soit moralement acceptable alors qu’il ne l’était plus en Europe. Il fallait donc au préalable que les noirs soient considérés comme des humains inférieurs. Ils étaient, en effet, de façon évidente pour ces Européens esclavagistes plus que des étrangers mais des habitants de la forêt, des sauvages, pas seulement des païens mais des non civilisés, des êtres à la limite de l’animalité sur l’échelle des espèces vivantes d’où l’importance de les christianiser pour se donner bonne conscience et mieux les contrôler.

 Au milieu du XIXème siècle la traite négrière et l’esclavage étaient abolis par toutes les nations européennes. C’était, nous dit-on, la victoire des idées des Lumières. Mais à supposer qu’elle ait été le seul argument des abolitionnistes, la morale humaniste serait-elle enfin venue à bout d’un mauvais penchant qui depuis l’Antiquité avait permis de massacrer, d’asservir et de discriminer tant de peuples ? Pas vraiment car plus vigoureux que jamais, celui-là s’est aussitôt mis au service de nouvelles causes.
 En 1853 paraissait la première partie de l’Essai sur l'inégalité des races humaines d’Arthur de Gobineau. Cet écrivain était avant tout nostalgique d’un temps originel inventé par lui en s’inspirant de la théorie polygéniste, durant lequel, selon lui, il n’aurait existé que trois races pures : la noire, la jaune et la blanche. La race blanche, qui avait « le monopole de la beauté, de l'intelligence et de la force », était bien sûr, selon sa thèse, supérieure aux races jaune et noire dont je ne rapporterai même pas les insultantes descriptions qu’il en a faites. De par son génie naturel, la race blanche, seule capable de produire des civilisations, était vouée à la conquête du monde et par conséquent à aller au contact des races inférieures ; elle s’y est ainsi diluée et a engendré des peuples métis qui ont produit après de longues séries de nouveaux métissages une humanité qui sombre désormais dans la déchéance. Empreint d’une aversion atavique pour les idées républicaines, ce mélancolique vivait avec l’illusion d’être l’héritier d’une aristocratie dont il disait pourtant qu’elle avait depuis longtemps disparu et pour justifier son dégoût de son époque il a créé cette théorie raciale, pour ne pas dire raciste, fondée essentiellement sur l’analyse de l’Histoire vue comme un processus de décomposition menant fatalement à la démocratie. Mais, contrairement à ce que feront après lui les nazis, il ne proposait pas de solutions pour enrayer ce déclin car il était convaincu que la mort de toute civilisation est inéluctable. Faire de cet auteur aigri un précurseur du nazisme, est une erreur ; il n’était que l’un des nombreux symptômes du délire qui y conduira.
 Si la notion de race humaine fut élaborée par les naturalistes du XVIIIème siècle Buffon et Linné, sciences à l’appui, le XIXème siècle fut le démoniaque théoricien de ce que l’on nommera plus tard le racisme. Après la condamnation et l’abolition de l’esclavage, l’élite colonisatrice politique et intellectuelle ne pouvait plus se contenter de l’évidence de l’affirmation de la supériorité de la civilisation blanche et chrétienne pour justifier son désir d’empire en Afrique et en Asie, il fallait qu’elle s’en donne des preuves et justement les théories raciales développées par Buffon et Linné renforçaient sa conviction. L’anthropométrie apporta sa contribution en tentant de le démontrer par l’étude des caractères physiques propres à chaque peuple tels, par exemple, la forme du crâne ou l’angle facial. Plus encore cette science se donnait pour objet de différencier les races et de mieux les connaître afin d’améliorer celles que l’on voulait coloniser dans le but non avoué de les contrôler et de les exploiter. Pour les colonisateurs qui en avaient besoin, les sciences apportaient de quoi se décomplexer. Ainsi, le républicain Jules Ferry, en juillet 1885, pouvait lancer à l’Assemblée face à Clémenceau, républicain lui-aussi mais radical et anticolonialiste: « Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » Il fallait aussi convaincre le peuple des bienfaits de la colonisation et pour cela on apprenait aux enfants dans les manuels scolaires les différentes races humaines en mettant bien en évidence la supériorité des blancs et l’on organisait des expositions où l’on exhibait des noirs ramenés pour l’occasion, dans des villages africains reconstitués, quand ce n’était pas simplement dans des cages, spectacles qui attiraient des foules de gens curieux de savoir comment étaient les sauvages, notamment lors de l’Exposition Universelle de Paris de 1889, celle pour laquelle fut construite la tour Eiffel. 
 Il y eu aussi, en cette fin du XIXème siècle, la naissance d’une autre science qui ambitionna cette fois de purifier la race blanche : l’eugénisme. Son fondateur, l’anglais Galton, considérait que la théorie de l’évolution de son cousin Darwin ne s’appliquait pas aux sociétés modernes où du fait des progrès des sciences et des technologies, les plus faibles n’étaient plus éliminés naturellement. Ainsi se développait une masse de prolétaires et avec elle des fléaux tels que la criminalité, l’alcoolisme, les maladies mentales … tares considérées par les eugénistes comme héréditaires qui non seulement par leurs effets troublaient l’ordre social mais entraînaient aussi la dégénérescence de la race blanche. En fait l’élite conservatrice anglaise du XIXème siècle à la pointe en matière de discrimination, refusait l’accès à l’éducation à des prolétaires dont elle avait besoin pour sa révolution industrielle mais qui, une fois instruits, pourraient menacer son statut et ses privilèges. L’eugénisme qui se proposait d’apporter des solutions médicales à ce danger ethnique ne pouvait que séduire ces adeptes du racisme social.

 Au XXème siècle, l’impensable : le nazisme. Impensable que l’on ait pu sciemment, bureaucratiquement, scientifiquement, entreprendre d’exterminer les peuples juifs et tziganes parce qu’ils étaient une menace pour la pureté de la race aryenne, de traquer les homosexuels et d’euthanasier les malades mentaux parce qu’ils n’étaient pas conformes à l’idéal aryen, d’éliminer les communistes et des intellectuels parce qu’ils s’opposaient au projet nazis; impensable que cela se soit passé dans le pays de JS Bach, pays qui a fourni quelques-uns des penseurs les plus importants de l’histoire européenne. Peut-être a-t-il manqué à l’Occident de ne pas avoir écrit la Bible ou l’Iliade et l’Odyssée. Aussi brillante qu’elle nous paraisse, notre civilisation n’a toujours pas écrit le livre de référence nécessaire pour guider ses générations et mettre une limite à la folie humaine.
 On a cru ensuite en avoir fini avec le racisme comme si Hitler l’avait entraîné avec lui à jamais dans sa mort. Il se peut aussi que notre peuple libéré du nazisme n’aurait pas pu savourer son triomphe sans cette amnésie. Du moins en Europe on a cru à la disparition du racisme en oubliant que la ségrégation et l’apartheid existaient toujours aux Etats-Unis et en Afrique du Sud. Même la guerre en Algérie n’a pas suffi à nous faire comprendre que les discriminations étaient encore la règle dans ce qui restait de nos anciennes colonies. Dans cette Algérie française, les Algériens même en ayant combattu en métropole pendant les deux guerres, n’avaient pas la nationalité française ; plus qu’injuste c’était grotesque.
 Dans l’après-guerre, les Trente Glorieuses ne furent pas seulement les trente années où la prospérité des pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord a été exceptionnelle, ce furent les trente dernières années de domination des nations occidentales sur le monde. Depuis le triomphe de l’ultra libéralisme a offert le pouvoir économique aux multinationales, constituant un autre monde capitaliste, un monde avec ses propres lois et sur lequel les lois des nations n’ont plus d’emprise, un monde sans frontières. Dépourvues de capitaux et plus encore endettées pour maintenir leurs services publics et leurs actions sociales, les nations ont perdu, quand bien même elles le voudraient encore, toute possibilité de maîtriser leurs économies et leurs politiques. Alors, n’ayant plus qu’un pouvoir militaire et policier, elles se réduisent peu à peu à n’être que des machines de guerre destinées à défendre aveuglement  le capitalisme sur tous les fronts, intérieurs comme extérieurs, car leurs sorts dépendent totalement de lui. Mais que peuvent des bombes contre des idéologies telles que l’islamisme sinon provoquer sans cesse de nouveaux massacres et de nouvelles migrations ? C’est dans ce contexte qu’en Europe les peuples se tournent de plus en plus vers des démagogues et que le racisme y retrouve une nouvelle ardeur.
 Ce racisme-là n’est plus le racisme conquérant des colonisateurs. Issu comme le nazisme de peuples qui se croient sur le déclin et se sentent menacés dans leur « identité », que sera-t-il ce racisme vengeur s’il se trouve un jour un Hitler moderne ? Pour ce racisme les responsables de la mort des nations ce sont les hommes politiques qui ont ouvert les frontières, qui ont laissé entrer les étrangers. La crise économique c’est de leur faute et de celle des étrangers qu’il faut prendre en charge et qui nous ruinent. Ces étrangers qui n’ont ni nos mœurs, ni notre religion, et dont les enfants se livrent à tous les trafics, remplissent nos prisons et maintenant nous font la guerre pour nous imposer leurs lois. Tel est le présent vu par ce racisme et il veut tout nettoyer !
 Obsédé par son pseudo patriotisme, il veut rétablir les frontières pour stopper les invasions de migrants, contrôler la circulation des capitaux et l’échange des produits commerciaux dans le but de sauver les nations et rétablir leur pouvoir politique et économique. Mais il oublie que la mondialisation actuelle a commencé dès la Renaissance et que ce furent nos nations européennes qui en furent les initiateurs. Il oublie que ce sont nos migrations qui ont permis de peupler les nouveaux continents et d’en faire de nouvelles sources de richesses en exploitant et pire encore en exterminant souvent les peuples autochtones. Il oublie que le racisme a apportait la caution morale sans laquelle l’esclavage et bien d’autres horreurs dont celles commises par les nazis n’eurent pas été humainement acceptables. Il oublie encore que les peuples colonisés ont participé aux deux grandes guerres mondiales et en ont payé le tribut sans en obtenir la moindre reconnaissance, qu’ils ont contribué à la relance de notre économie après-guerre en fournissant une main d’œuvre docile et bon marché à nos industries dont en cette période de chômage massif il rêve de se débarrasser même si entre–temps ces étrangers sont devenus français ainsi que leurs descendants. Il oublie car l’oubli est sa méthode.
 Ll t de se débarrasser ded ch nazisbtenit  le plus souvent en en extrminants’ennemi majeur de ce racisme c’est l’Europe. Mais là encore il faut lui rappeler ce qu’était à l’origine le projet européen. Il s’agissait de rapprocher des nations qui s’étaient entre-tuées pendant des siècles afin d’éviter de nouvelles guerres. Il fallait aussi constituer une nouvelle communauté capable de rivaliser avec les grandes puissances américaine et soviétique dans le contexte de la Guerre froide. Même si le monde s’est transformé depuis l’après-guerre, je ne vois pas pourquoi il faudrait remettre en cause les idées de base des fondateurs de l’Europe. Par contre, il y a bien des questions à se poser sur la manière dont s’est réalisée cette Europe. Elle a favorisé l’économie ultra-libérale au point de devoir aujourd’hui se soumettre à ses lois, au point que comme les nations elle en a perdu tout contrôle de son économie. Ce racisme se trompe d’ennemi. Ce n’est pas contre l’Europe qu’il doit se battre mais contre une économie dérégulée qui nous domine. Hors ce n’est pas avec ses idées éculées (comme celles des partis politiques actuels, il faut le reconnaître), qu’il peut prétendre lutter contre les excès du libéralisme. D’ailleurs, le problème n’est plus de lutter contre cette économie mais de la remplacer. Bon nombre de gens en sont déjà convaincus et tentent de nouvelles voies. Ce sera certainement la préoccupation majeure des futures générations du monde entier et je ne vois pas non plus en quoi le racisme peut être utile à cette nouvelle évolution.

 Ce trop court résumé historique avait pour but de montrer comment ce que l’on appelle aujourd’hui le racisme a évolué au cours des siècles en Europe. Autant que l’on puisse le savoir, il a toujours existé, il a toujours su s’insérer dans les disputes politiques et religieuses et il y a souvent triomphé. Sa force a été de s’adapter à toutes les situations et aujourd’hui encore il s’impose pour beaucoup comme la solution. Mais alors qu’il se réveille comme une épidémie, n’allons pas hâtivement en conclure qu’il est une fatalité. Si vous en doutez, rappelez-vous par exemple, le « J’accuse » d’Emile Zola. Mais surtout regardez autour de vous comment certains se battent pour que les communautés puissent vivre ensemble, dans le pays qui est le leur et dans le respect des personnes et des lois. Ne cherchez pas parmi les élites politiques, intellectuelles ou autres. Certes dans ces milieux il y a des personnes de bonne volonté mais de par leurs positions souvent privilégiées ils ne sont pas les plus aptes à affronter un tel problème. Qu’ils en soient conscients ou pas, ils sont redevables d’une situation qui leur a permis leur réussite et jamais ils n’auront l’audace de la remettre en cause. Ils ont aussi reçu une éducation élitiste qui les enferme dans des idéologies dépassées et les protègent d’une réalité qu’ils n’appréhendent pas ou mal. Pour un tel combat il faut entendre d’abord ceux qui ont étaient touchés jusque dans leur chair. Ils sont de toutes les communautés, musulmane, catholique ou athée ceux qui ont vu leurs enfants se convertir et partir au jihad. Ils sont aussi de toutes les communautés et parmi eux beaucoup de Musulmans, ceux qui sont morts dans les attentats. Croyez-vous que cette terreur qui nous menace toujours ne soit due qu’à une opposition de communautés religieuses ? Écoutez madame Latifa Ibn Ziaten, femme musulmane et franco-marocaine qui a perdu son fils Imad, sous-officier de l’armée française, assassiné à Toulouse par Mohammed Merah le 11 mars 2012. Elle a été insultée et poursuivie par deux élus qui ont trouvé honteux qu’une femme voilée puisse entrer à l’Assemblée où elle était invitée à une réunion organisée par le parti socialiste. De quel côté était la honte ce jour-là ? Ma mémé aussi portait toujours un foulard pour couvrir ses cheveux et aujourd’hui encore quand je croise dans la rue une de ces femmes musulmanes, je repense à elle et je ne peux m’empêcher de me dire que derrière cette apparence pour certains démodée et outrancière, il peut y avoir une très belle personne. Elle vous dira combien ces polémiques perpétuelles sur la façon de se vêtir des musulmanes lui paraissent bien anodines et masquent les vrais problèmes qui nous déchirent. Qu’elle aussi porte le burkini pour se baigner et que cela lui donne un sentiment de liberté dont on n’a pas le droit de la priver. Qu’elle ne cherche à provoquer personne mais à vivre seulement en accord avec sa conception de la pudeur. Et elle va de lycées en lycées et autres lieux à la rencontre des enfants de toutes les communautés pour tenter de leur donner les armes qui leurs permettront plus tard d’éviter le racisme et le terrorisme. Et comme John Locke et Pierre Bayle en leur temps, elle leur apprend simplement ce qu’est la tolérance.
 Nul ne peut aller contre cet instinct que j’appelle instinct d’unité et qui nous oblige à vivre en communautés. Il est, quelles que soient nos origines, dans notre nature et avec d’autres instincts la constitue. Nul ne peut empêcher quiconque de former des communautés car c’est là une atteinte à notre nature. Et pourtant notre civilisation va en toute bonne conscience toujours contre nature. Le racisme par instinct crée ses propres communautés et non seulement veut les imposer mais refuse l’existence de toutes les autres. Qu’on puisse encore affirmer aujourd’hui que tout français doit se reconnaître comme descendant des Gaulois au point d’en renier ses vraies origines comment est-ce possible ? Que me reste-t-il de sang gaulois à moi blanc du Sud dont les ancêtres ont pu être Wisigoths, Ibères ou même Sarrasins ? Allez savoir quoi ? Je n’en sais rien et je m’en fous. L’histoire a fait que notre pays est un pays multicolore et les blancs ont été les premiers à y contribuer. Un pays où chacun a le droit de vivre quelles que soient son histoire et sa culture conformément aux exigences de notre nature humaine. Alors, sous l’effet de la peur et de préjugés, ou encore du refus d’affronter une réalité volontairement déformée, au lieu de vous en tenir à des comportements racistes qui ne rajoutent que des problèmes, cherchez d’abord en vous ce que vous êtes.




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