De l’intolérance des communautés
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De
l’intolérance des communautés
Pour comprendre l’intolérance il faut en
revenir aux instincts et surtout à l’un d’eux : l’instinct de communauté.
Nous sommes tels qu’il nous est nécessaire de nous unir. Ainsi nous formons des
communautés de personnes qui partagent les mêmes croyances, les mêmes passions
ou les mêmes intérêts.
Le principe selon lequel l’union fait la force
(et pas seulement la force guerrière) ne nous est pas propre, beaucoup d’autres
animaux y sont aussi soumis. Ainsi ce n’est pas par nécessité que certains
vivent en groupes mais parce qu’un instinct les y oblige. Vivre en société est
un mode parmi d’autres pour pérenniser une espèce.
Ce qu’était à l’origine de l’espèce humaine le
groupe de chasseurs-cueilleurs, est devenu dans nos sociétés modernes une
multitude de communautés : politiques, religieuses, culturelles,
professionnelles …, de sorte que chacun de nous appartient à plusieurs
d’entre-elles simultanément.
Ces communautés sont informelles et
hétérogènes. Prenons par exemple les catholiques. Certains sont pratiquants,
beaucoup ne le sont pas. Il y a les traditionalistes et à l’opposé les
progressistes. Ce sont des gens de conditions sociales variées et aux idées
politiques multiples et ayant bien d’autres différences. Mais, malgré ce qui
les différencie, les oppose et provoque des disputes et parfois un schisme, ils
demeurent liés, sans se connaître, par la même foi et par le même dieu et face
à toute menace extérieure à leur communauté, comme dans le passé, ils sauront
toujours retrouver leur unité.
Par rapport au groupe originel ces communautés
ont aussi des fonctions différentes. Elles ne défendent plus directement leurs
intérêts et ceux de leurs membres mais pour cela ces derniers ont créé des
structures organisées telles que les états, les institutions religieuses, les
partis politiques, les syndicats, ou encore les associations. Elles ne
procurent aucun bien car, sous l’emprise du système économique libéral, cette
fonction est désormais quasi exclusivement assurée par des entreprises privées
et celles-ci ne se soucient que de leurs intérêts particuliers. Cependant si
des communautés existent encore dans notre monde privatisé c’est qu’elles
seules nous donnent une identité.
Souvent c’est en perdant une chose que l’on
sait tout ce qu’elle nous apportait. Nous nous sommes tellement individualisés
que nous avons oublié que la société est une communauté. Nous pouvons bien pour
mille raisons souvent justifiées, la critiquer, la haïr, se révolter contre
elle, de fait nous lui appartenons et nous en dépendons. C’est justement cette
appartenance et cette dépendance qui nous donnent le droit de ne pas toujours
accepter ce qu’elle est. Mais si nous en sommes exclus nous en ressentons
cruellement le manque. Ainsi en perdant son travail, on ne perd pas seulement
une activité et un salaire, ce qui par ailleurs est suffisant pour en être très
affecté, on perd aussi une identité. En perdant son travail on devient un
paria. Toute société se crée des normes et dans la nôtre le chômeur n’est pas
normal. Ce n’est pas en étant original, voire excentrique, que l’on est
reconnu. L’originalité ne s’impose que si elle devient une norme ou le plus
souvent une mode. Dans la société, comme dans toute communauté, ne se
reconnaissent que ceux qui sont identiques selon certains critères communément
admis. Dans la nôtre travailler en est un et parce qu’il ne le respecte pas le
chômeur est à l’écart et il en est toujours pour le lui rappeler :
Fainéant ! Parasite ! Assisté ! Profiteur ! …
En résumé il n’est pas dans notre nature
d’accepter les différences surtout quand il s’agit de mœurs et de croyances et
ce n’est pas les sermons des moralistes qui nous transformeront. Cela est
particulièrement vrai en politique. En la matière on croit détenir la vérité et
avec encore plus de certitudes si l’on adhère à un parti. Ce faisant on
s’engage dans une lutte sans pitié, il y va du sort de l’humanité ! Tout
parti politique a pour vocation de devenir le parti unique et veut convertir le
peuple à son idéologie. Un souverain, un peuple, une religion, c’était la
volonté de Louis XIV. C’est aussi celle des dictateurs. C'est encore, hélas, celle de nos dirigeants. Nous avons la nostalgie
d’une unité originelle qui n’a jamais existé.
Toute apparition d’une différence étant une
menace potentielle pour leurs existences, les religions monothéistes ont
combattu les hérésies et quand elles ne sont pas parvenues à les éradiquer par
la persuasion, il s’en est suivi des guerres. Si ces guerres ont cessé, si les
religions se tolèrent c’est qu’elles en ont admis l’intérêt. L’État en
garantissant à toutes le droit d’exister, car tel était le sens de la loi sur
les « libertés » de culte, leur a permis cette coexistence pacifique.
Comme dans des vieux couples qui ne s’aiment plus chacune fait sa vie de son
côté en ignorant l’autre et tout va bien. Sauf qu’entre elles l’amour a
toujours été impossible et le sera toujours. La laïcité ne serait-elle qu'un
feu qui couve ? Qu’on me prouve le contraire ! Que l’État
s’affaiblisse ou qu’il ne soit plus neutre, l’équilibre entre les religions se
rompra et les guerres recommenceront.
Les communautés ne sont pas faites pour
s’entendre mais pour s’affronter. C’est leur raison d’être. Ce qui est dit ici
pour les politiques et les religieuses est tout aussi applicable à des
communautés d’autres domaines : la sexualité (la « guerre » des
sexes), l’économie (la lutte des classes est-elle finie ?), la culture
(que l’art et la littérature ne soient plus causes de polémiques en dit
beaucoup sur l’état de notre société)… Mais ces sujets méritent un traitement
spécifique qui n’est pas l’objet de ce texte. Par contre, même abordé
superficiellement, le sport surtout lorsqu’il est collectif, reste exemplaire
en la matière. Le sport peut se résumer, lui aussi, à une opposition entre deux
communautés. Autrefois les bagarres entre jeunes de villages voisins n’étaient
pas rares surtout au moment des fêtes. C’est ainsi que se réglaient les
rivalités ancestrales. Avec le sport, surtout le football et le rugby, est
apparu le moyen de se combattre à la régulière. Ou presque. Car avec le respect
des règles et un arbitre pour y veiller chaque match ne finit pas par un
pugilat. Si donc tout se passe à peu près bien sur les pelouses, il n’en est
pas de même dans les tribunes où les affrontements de supporteurs quand ils ne
sont pas empêchés, entraînent des tragédies comme ce fut le cas au Heysel en
1985 et ailleurs depuis.
Puisqu’il est inévitable et souvent
souhaitable, que les communautés s’opposent, comme sur les terrains de sport,
il est indispensable qu’une autorité leur impose des règles admises par toutes.
Cette autorité c’est l’État quand il est neutre et surtout équitable.
L’importance croissante de la communauté
musulmane, l’arrivée de nouveaux émigrants, les revendications de groupes
minoritaires comme par exemple les homosexuels, posent des problèmes vécus par
une grande partie de la société comme des cataclysmes. Pourquoi une telle
frénésie ? Pourquoi de telles violences ? Ces difficultés
justifient-t-elles de traiter une ministre de singe ? De déclarer que
l’homosexualité est une abomination ? Ou encore qu’Hitler n’a peut-être
pas assez tué de Roms ? Ces déclarations qui ont fait les titres des
journaux, je les cite parce que ce sont celles de personnes ayant des responsabilités
politiques ou qui y ont prétendu. Est-il nécessaire d’en dire plus ?
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