Du renouveau de l’art.
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Du renouveau de l’art
Les sciences et les techniques ne nous ont pas
apporté que des moyens pour vivre plus confortablement et plus longtemps, leurs
progrès ont aussi été déterminants dans l’évolution de nos arts et de notre
conception du beau.
Amateur de musique classique, j’ai lu avec
grand intérêt l’ « Histoire de la musique » d’Emile Vuillermoz.
Ce critique musical, qui fut aussi compositeur et critique de cinéma, soutenait
la thèse d’un progrès en musique. Pour sa démonstration il montre avec justesse
dans son livre comment l’apparition de nouveaux instruments a modifié le
langage musical. Il est en effet indéniable que l’apparition du piano moderne,
du saxophone ou plus récemment de la guitare électrique ou du synthétiseur ou
encore des ordinateurs a transformé le style musical. Le génie des grands
compositeurs aurait alors été d’avoir tiré le meilleur parti de la palette
d’instruments nouveaux dont ils disposaient. Mais peut-on pour autant parler de
progrès ? Sur ce point je suis en désaccord avec lui. Si on doit juger de
la qualité d’une œuvre ce n’est pas à son originalité, à sa complexité ou à
tout critère d’ordre technique mais uniquement à la puissance de l’émotion
qu’elle nous procure. Cela serait-il subjectif ? Cela dépendrait-il de la
sensibilité de celui qui l’écoute ? Je n’en suis pas convaincu. Je crois
que la sensibilité s’éduque d’elle-même et que pour cela il faut être
curieux et avoir la volonté de s’affronter à l’inconnu, à ce qui est étranger à
nos sens. J’en atteste pour en avoir fait l’expérience. Ainsi, moi le néophyte
en la matière, après avoir écouté les principaux chefs d’œuvre musicaux créés
depuis le Moyen-Age et malgré l’admiration que j’ai pour Monteverdi, Haendel,
Mozart, Ravel, Debussy, Richard Strauss et bien d’autres, j’avoue que ma
préférence va toujours à JS Bach, ce en quoi je ne suis pas original car la
grande majorité des mélomanes s’accorde pour reconnaître la supériorité du
cantor de Leipzig. Il ne faut donc pas voir l’histoire musicale comme une pente
ascendante qui tendrait vers la perfection mais comme un parcours montagneux,
fait de hauts et de bas, dont, comme en atteste la majorité des mélomanes, Bach
est le plus haut sommet. Les chefs d’œuvre n’ont pas d’époque et réciproquement
chaque époque a produit des chefs d’œuvre universels.
En conclusion, les apports des sciences et des
techniques transforment nos modes d’expression artistiques en proposant des
outils nouveaux permettant de nouvelles écritures et il n’en résulte pas
forcement une amélioration constante de la qualité des œuvres produites et un
progrès de l’art, mais un perpétuel renouvellement de style.
Ce qui est vient d’être dit vaut aussi pour la
culture car toute culture est une œuvre et son histoire est analogue à celle de
la musique européenne. Chaque peuple crée la sienne et la transforme au cours
de son histoire au fur et à mesure que les savoirs et les techniques changent.
Ce faisant, il tente toujours de répondre aux questions et aux problèmes qui se
posent à l’humanité depuis son origine et il se construit sa vérité qui ne sera
jamais la vérité mais peu importe qu’il vive toujours dans l’illusion du vrai
puisque cela est une condition de son existence. La culture n’a comme critère
que son utilité et lorsqu’elle ne donne plus d’espoir, n’étant plus utile, elle
doit se refonder et une nouvelle transformation doit se faire.
Aujourd’hui les réponses sont données par les
sciences, les techniques et l’économie mais sont-elles meilleures ? Il se
peut qu’elles ne soient qu’un éternel provisoire puisque par définition le progrès
n’a pas de limite, il se peut que notre culture ne provoque qu’une attente
déçue, une exigence sans fin, une boulimie de savoirs salvateurs toujours
insuffisants, une instabilité permanente. Cette technologie avec ses robots,
ses moyens de communication et autres nouveautés est-elle la solution pour
restaurer les rapports humains qu’elle a contribué à détruire ? Et plus
généralement le remède aux maux qu’elle a provoqués ? Les technocrates
doivent-ils encore cautionner une économie qu’ils n’ont jamais maîtrisée ?
Il se peut que nos vérités n’aient plus de liens avec l’humanité. En quoi notre
vrai nous est-il utile ? Telle est, je crois, la question qui peut nous
redonner de la vigueur, une nouvelle envie de vivre. Nous avons besoin d’autres
« vérités ».
Vivre est un art et comme tous les arts il
doit se renouveler.
Les sciences, les techniques et l’économie
doivent-elles être des moyens pour nous imposer une culture ou des outils à son
service qui créent, comme en musique, un style de vie nouveau conforme aux
règles de l’humanité ? N’avons-nous pas inversé l’ordre des choses ? Sans
de telles questions il n’y aura pas une nouvelle ascension.
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